J’appelle à voter Benflis
Oui, j’appelle à voter pour Ali Benflis et mon choix est fondé sur un pragmatisme froid et même glacial. Je suis conscient de mon choix, et je ne suis pas naïf, comme certains pourraient le penser, que Benflis est le candidat idéal ou même parfait. Je prends le monde tel qu’il est, et non tel qu’il devrait l’être, et dans ce monde réel, pas imaginaire ou fantasmatique, Benflis est le choix. Je suis également conscient que je ne suis pas d’accord avec lui sur plusieurs questions et plusieurs positions, mais c’est la seule option que nous avons devant nous en ce moment crucial de l’histoire de l’Algérie.
Il est le seul choix sur la table parce que, soyons honnêtes avec nous-même, nous n’avons pas une opposition capable et intelligente. On n’a pas une opposition formelle ou une opposition informelle. Les islamistes, les modérés comme les conservateurs, sont encore politiquement immatures, et en toute franchise, ils sont des amateurs de la politique. Les soi-disant démocrates ou sociaux-démocrates ne peuvent même pas être en désaccord avec eux-mêmes. Chaque clan de notre opposition pitoyable, enfantine, et honteuse colporte une plate-forme pour le changement. Toutes ces plates-formes — et je les ai lu toutes — se ressemblent. Toutes appellent a l’établissement d’un gouvernement d’union nationale qui comprend toutes les forces politiques vives du pays pour mener une période de transition. Mais ces plate-formes ne valent même pas le papier sur lequel elles sont écrites. C’est un discours rhétorique et démagogique vide. Les plates-formes, aussi nobles qu’elles peuvent l’être, n’ont jamais apporté quelconque changement. Seule l’organisation porte et provoque les changements. Même notre prophète (saaws), qui portait avec lui une plate-forme d’un ordre divin, a agi. Il est allé à la Médine, a organisé ses disciples, a signé des accords avec ses ennemis, et a même compromis avec eux. Qui sommes-nous pour penser que nous sommes plus juste et plus équitable que notre prophète? Donc, que chacun d’entre nous révise sa position et met son égo de côté car il y a des intérêts et des agendas qui sont plus importants que nos petits et misérables calculs politiques.
Notre pays, l’Algérie, est dans une situation désastreuse. Jamais nous avons été dans une position aussi dangereuse que celle-ci. Et je refuse de jouer le jeu du pourrissement. Je suis très conscient des petits calculs politiques que certains dans l’opposition sont en train de faire. Leur argument est que nous laissons la situation pourrir au maximum, et le régime tombera de lui-même. Ce qui est vrai et ça pourrait se passer. Mais ma réponse est que vous avez tort car ceci est un jeu suicidaire dont le prix sera la vie de millions de familles algériennes qui verront leurs finances littéralement effacées et leurs vies et leurs espoirs écrasés et dévastes pendant des décennies.
Je refuse de jouer à ce jeu parce que nous sommes à l’aube de graves déficits budgétaires, d’une dette publique probablement énorme considérant les demandes sociales, une inflation à deux chiffres, un taux de chômage catastrophique, une dette extérieure, et les services de cette dette. Nous sommes à l’aube d’un déclin important de la production nationale de pétrole et du gaz naturel. Nous sommes à l’aube et nous faisons face déjà à une sérieuse augmentation de la consommation domestique de pétrole et de gaz naturel (hausse de 9% par an du gaz naturel). C’est ainsi que par l’an 2025-30, chaque goutte de gaz naturel que nous produirons sera consommée sur le marché domestique, et cela amputera massivement les recettes de l’état (et il faut rappeler que 98% de nos revenus proviennent de l’exportation des hydrocarbures). Nous sommes aussi à l’aube d’un déclin progressif et continuel des prix du pétrole sur le marché international. En cinq ans, notre population augmentera de presque 4 millions, et des centaines de milliers de jeunes Algériens seront sur le marché du travail. Les demandes sociales sont insupportables à traiter et à négocier avec un baril à 120 dollars, et seront pratiquement impossible à gérer avec la baisse des marchés des hydrocarbures et de surcroît la baisse de la production nationale.
Non, je ne joue pas à ce jeu nauséabond du pourrissement parce que quand ce qui reste de notre économie s’effondrera, il y aura que des ruines et le climat social et politique seront si chaotique et si anarchique que tout changement sera difficile à apporter, voir presque impossible à implémenter.
Pour ceux qui appellent au boycott, dois-je vous rappeler que j’étais parmi les premiers à vivement appeler à l’organisation d’un boycotte massif et actif. Allez sur mon blog et lisez ce qui j’ai écrit. J’ai dit (et je me permets de me citer) :
Bâtir et lancer un mouvement pour le boycott est bâtir la structure organisationnelle du changement. Non seulement ce mouvement peut vaincre et battre la narrative du système le jour du scrutin le 17 Avril et coupe à travers le bruit ambiant, mais il peut fournir également l’argument moral et la base organisationnelle sur et par laquelle la bataille pour le changement peut être menée […] Nous devons travailler dur pour que ce mouvement pour le boycott soit une réussite. Nous devons construire l’organisation qui mobilise les électeurs à rester chez eux et à déserter les rues le jour du scrutin. Une sorte de Janvier 1960 bis. Ensuite, nous utilisons le succès du boycott pour pousser l’ordre du jour le plus important qui est le changement.
Où est ce boycott massif et actif? Il est nulle part. Pourquoi? Parce que nous avons une opposition incapable, immature et politiquement stupide. C’est pourquoi je déclare que toute tentative de boycotter le vote du 17 Avril sera un échec cuisant, et ne fera que conduire à la réélection de Bouteflika, et la pérennisation du système qu’il dirige et protège.
Pour ceux qui disent que le vote sera truqué, je dis que s’il y a une participation massive qui accable le système électoral, la fraude électorale diminuerait. S’il y a une grande marge en faveur de Benflis, Bouteflika ne pourrait pas truquer les résultats. Et s’il le fait, il serait plus facile pour le peuple de sortir dans la rue et demander réparation.
En conclusion, je crois qu’il est temps que chacun d’entre nous assume sa responsabilité devant l’histoire et devant ce peuple meurtri. Je ne suis pas un jusqu’au-boutiste et je ne le serai jamais. J’ai aussi horreur de l’idéalisme creux et stupide car il est dangereux et mène toujours vers l’extrémisme politique et le dogmatisme idéologique. Citant Voltaire, je dis “J’aime fort la vérité, mais je n’aime point du tout le martyre.” Et je rajoute que je suis un partisan farouche du pragmatisme et de ne jamais laisser le parfait être l’ennemi du bien, pour citer encore une fois Voltaire. Donc j’assume ma responsabilité devant dieu dans ces moments très périlleux pour notre pays. Je peux être dans le tort et je peux me tromper comme je peux être correct, seul dieu connait l’avenir. Mais ce que je sais, c’est qu’il y a une petite probabilité que quelque chose de bien pour notre pays pourrait se produire avec l’élection de Benflis. Je prends cette probabilité aussi petite et aussi minuscule qu’elle soit au lieu de s’agripper à une probabilité qui est nulle, ou d’attendre que notre incapable opposition sort sa tête des eaux marécageuses dans lesquelles elle se noie.
Algérie: Le 18 Avril, l’inertie et l’incertitude ou le déblocage
Peu importe celui qui gagne les élections, le 18 Avril et tous les jours et les mois après cette date constitueront une période et des moments difficiles pour l’Algérie. Peu importe le vainqueur des élections, il sera un président faible et un président très mal élu. Peu importe le vainqueur, il n’aura pas un mandat populaire. Peu importe qui sera président le 18, il devra faire face à une population très hostile, n’aura aucune lune-de-miel, et ne bénéficiera pas de la confiance de la majorité de la population. En fait et pour être clair, quels que soient les résultats des élections, il n’y aura pas de gagnant le 18 Avril.
Si Bouteflika gagne, le pays sera plongé dans un autre cycle prolongé de protestations et de contestations. Tous ces mouvements ne disparaîtront pas du jour au lendemain juste parce que Bouteflika est réélu pour un autre terme. En fait, le 4e mandat de Bouteflika sera le mandat de tous les dangers pour le pays. Jamais, depuis 1962 l’avenir de l’Algérie a été aussi incertain. Sur le plan économique, la fenêtre d’opportunité pour engager des réformes très significatives, très nécessaires et très difficiles se referme rapidement, et le temps, dont nous n’en avons pas beaucoup, nous échappe furtivement. Socialement, je peux entendre d’ici à des milliers de miles de l’Algérie le déchirement du tissu social. Ethniquement, notre fragmentation ethnique n’a jamais été aussi élevée et aussi aiguë. Tous ces éléments feront l’élaboration des politiques de reformes et leur mise en œuvre extrêmement difficile, si ce n’est impossible.
Par ailleurs, si Bouteflika gagne, les militaires et les services de renseignement devront se mettre rapidement a la tache pour trouver un autre candidat pour remplacer le mourant qui vient d’être élu. Car il faut être honnête, Bouteflika ne survivra pas son 4e mandat, et de nouvelle élections présidentielles seront dans notre proche avenir, donc une nouvelle période d’incertitude, une nouvelle période de tractation, une nouvelle période de tension et de guéguerre et de conflits internes entre les différents clans de l’armée et de la voyoucratie feront parties de notre quotidien encore une fois.
Un 4e mandat de Bouteflika plongera également le pays dans une paralysie totale et bloquera toutes les réformes qui sont vitales et cruciales pour l’avenir du pays car un président mal élu qui ne bénéficie pas de l’appui, du support et de la confiance de son peuple ne peut pas être un président réformateur, mais sera un président qui régnera sur la lente et progressive décadence d’une nation qui est déjà dans un état prononcée d’une rigor mortis.
Un 4e mandat de Bouteflika conduira à une plus grande polarisation sociale, ethnique et politique entre l’élite dirigeante du pays et le peuple. A toutes fins utiles, ce 4e mandat de Bouteflika sera le mandat de trop, la goutte qui fera débordée le vase Algérien, et seul Dieu sait ce qui pourrait arriver par la suite.
Que diriez-vous d’une élection de Benflis? Eh bien, si Benflis est élu, il sera un président minoritaire à coup sûr. Il sera mal élu aussi. Mais il bénéficiera d’un très court laps de confiance et de support populaire. C’est à lui, s’il était élu, de cultiver cette naissante confiance, et de gagner le cœur et l’amé du peuple Algérien.Vous me demandez, comment peut-il le faire? Eh bien, ce sera à lui et à lui seul d’agir. Tous ses actes seront examinés. Tous ses mouvements seront de près surveillés et analyses par la population. Toutes ses erreurs et faux pas seront aussi exploités par ses ennemis. Si Benflis est élu, il aura très peu d’espace pour manœuvrer, et son avenir ainsi que l’avenir de l’Algérie dépendra de ses premières actions et de ses premières initiatives.
S’il appellerait à un gouvernement d’unité nationale ou un gouvernement des forces vives du pays; s’il prévoirait une période de transition pour rédiger une nouvelle constitution inclusive et véritablement démocratique; s’il étendrait sa main à l’aile laïc ainsi que l’aile islamiste; s‘il regarderait le peuple Algérien dans les yeux et nous dirait “Je ne peux vous promettre que du sang, des larmes, et du travail acharné, et rien d’autre,” là, uniquement là, Benflis pourrait réussir. Sinon, je n’ose même pas imaginer le scénario alternatif car seul un soulèvement sanglant et coûteux serait notre salut.
Staff of la Septieme Wilaya
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